La poterie Ciboure (du nom de sa localité d’implantation) naît en 1919 du rêve de trois amis : revenir aux sources fondamentales de la poterie d’art. C’est en ce sens en effet que Etienne Vilotte (ébéniste de formation), le céramiste et tourneur Edgard Marcel Lucat dit "Lukas " et le peintre Louis Benjamin Floutier investissent un hangar à bateaux désaffecté au bord de la Nivelle. S’ils ne sont pas originaires de la région, les trois camarades y ont trouvé le cadre idéal pour concrétiser leur projet, entre eau vive, forêts et grès blanc ou argile rouge des carrières avoisinantes. La première marque de la fabrique est alors une combinaison des initiales des trois fondateurs de l’établissement : "VLF". Le répertoire iconographique néogrec et néobasque commence à être développé dès 1919, autour des formes de Lukas qui imaginera notamment des formes néobasques (ferreta, perdrera, cruches ventrues…) L’entente ne survit cependant pas aux débuts de l’entreprise et, en 1922, Etienne & Elise Vilotte, restés seuls dans l’aventure créent l’entreprise Céramique d’art de la poterie de Ciboure. Le couple s’attachera alors à développer les styles néobasques et Art déco , qui deviendront emblématiques de leur production des années 1920-1930. Les céramiques de Ciboure se distinguent alors par l’emploi d’un grès cuit à haute température , orné de décors peints à la main et marquées "VE Ciboure" (pour Vilotte Elise). Pour le développement du décor néobasque qui deviendra prédominant dès le milieu des années 1930. Ciboure s’attache la collaboration de décorateurs parmi lesquels Richard Le Corrone, Charles André Flouault, Pedro Garcia de Diego, Almes ou encore Jean Leon. De leur travail naîtra un répertoire de scènes inspirées de la vie quotidienne et rurale ainsi que des traditions régionales et porteuses d’eau, corridas, pelotaris, maisons à colombages, danses (…) se déploient sur les parois des vases. Signe du temps, tandis que le littoral basque accueille de plus en plus de villégiatures bourgeoises, cette production régionaliste est majoritaire chez Ciboure et triomphe dans les années 1930-1940. Cela permet l’apparition de nouvelles formes vernaculaires, inspirées par les contenants traditionnels pour le transport de l’eau comme les ferreta, les pegarra et autres gargoulettes. En 1945 Etienne Vilotte, désormais veuf et âgé, accepte le rachat de Ciboure par Rodolphe et Suzanne Fischer, un couple de négociants parisiens en objets d’art décoratif. Sous sa nouvelle direction, la marque de la poterie devient "RF" (Rodolphe Fischer) et les pièces ne seront plus seulement tournées mais également moulées, tandis que sera introduite une cuisson plus oxydante. Fischer développera également une production plus utilitaire (assiettes, plats, services à café, cendriers …), tout en poursuivant les décors régionalistes pour satisfaire la demande touristique. Reprise par le fils du couple et son épouse Carmen (fille du décorateur historique de la poterie Pedro Garcia de Diego) en 1977, Ciboure prend comme marque "MF" (Max Fischer) jusqu’à sa fermeture en 1995. Reconnaissables entre toutes par leur iconographie et leurs coloris chauds, les céramiques de Ciboure témoignent encore aujourd’hui de l’identité artistique d’une région. Cela leur vaut d’exister au travers de collectionneurs passionnés, parmi lesquels le couturier et collectionneur Karl Lagerfeld qui leur a dédié un livre dans lequel on peut lire : "Ces trois potiers ont créé une image idéalisée du monde antique, réinterprétant des méthodes centenaires de fabrication, et redessinant, avec art, les scènes érotiques ou champêtres qui appartenaient au répertoire de vases grecs classiques. Une certaine innocence et naïveté pointe de ces chefs-d’œuvre, tous basés sur l’illusion d’un temps si lointain."