SALVADOR DALI (FIGUERAS 1904 - PORT LLIGAT 1989)
Nuit à l'Hostal, abstraction en noir et blanc, 1965
en vente le 7 décembre chez Millon
"Une nuit à l'Hostal" par Salvador Dal
LA PERFORMANCE SELON DALÍ

Au cours des années 60, Salvador Dalí investit un large panel de techniques et de domaines artistiques. Toujours plus prolifique, il réalise plus d’un millier de tableaux, dessins, des sculptures, des meubles, des bijoux, concevant des décors et costumes d’Opéra, des affiches publicitaires, rédigeant et illustrant des ouvrages... En 1964, il reçoit la Grande Croix d’Isabelle la Catholique pour son travail, soit la plus haute distinction espagnole.
Inaugurée à Tokyo la même année, une large rétrospective itinérante lui est consacrée. L’année suivante, une exposition historique intitulée « Salvador Dalí 1910-1965 » prend place au MoMA. À cette époque, Dalí est donc un personnage incontournable de la scène artistique et médiatique, connu tant en Espagne qu’à l’international. À son retour d’exil aux Etats-Unis en 1948, Salvador Dalí part s’installer à Portlligat, un petit village de pêcheurs. Dans les années 60, l’artiste fréquente le bar El Hostal à Cadaquès où se retrouvent artistes, touristes et célébrités, comme l’iconique Veruschka, dans un esprit de liberté unique.
C’est à l’occasion de ces « nuits d’été [animées] avec l’énergie bohémienne des artistes et visiteurs », que Dalí se lie d’amitié avec l’italien Marci Pogany, fondateur d’El Hostal. Au nom de son amitié avec Pogany, Salvador Dalí accepte de concevoir gratuitement le logo d’El Hostal, composé d’une calligraphie stylisée noire sur un fond neutre. C’est également lors de ces sorties à El Hostal que Dalí fait la rencontre de Joseph Mussons, aussi peintre et connu sous le pseudonyme de Joe.
D’après la fille de ce dernier, même si leur vision de la réalité est différente, les deux artistes partagent un goût prononcé pour un « art de chaque instant de la vie », pour une expression picturale novatrice et intense.

En 1965, Salvador Dalí demande à son ami, Joe, de lui organiser un concert de Lou Bennett à El Hostal. À cette époque, Lou Bennett était un pianiste et organiste de jazz américain installé en France depuis 1960.
C’est au cours de ces années que le musicien se consacre entièrement à sa carrière de jazzman, multipliant les tournées en Europe, particulièrement en Espagne, et devenant « l’homme au pédalier magique ».
En échange de ce concert, Dalí promet à Joe d’exécuter un tableau sur scène face au public, à l’image d’une performance artistique. Cet événement, orchestré au théâtre d’El Hostal devant une salle comble bouillant de spectateurs et de caméras de l’Office de radiodiffusion-télévision française, apparaît comme « une déclaration de présence : Voici mon Moi et mon Génie ! ».
De sa nature performative et expérimentale, le tableau « Noche en el Hostal » témoigne de l’engagement corporel de l’artiste. Il s’agit d’un subtil mélange de scénarisation et d’improvisation, destiné à être vu et vécu par les spectateurs, telle une invitation participative. Dans cette optique, l’événement et son déroulement, aussi éphémères qu’exceptionnels, font art. Cependant, l’œuvre et la renommée de l’artiste restent, comme « l’empreinte éternelle du génie de Dalí ».
Dès lors, il s’agit non seulement d’une démonstration du génie créatif de Dalí, mais aussi de l’héritage qu’il (nous) laisse à tous, comme un dépassement de son soi temporel. Cette notion de legs et d’empreinte éternelle par la pratique artistique est importante pour l’artiste. En effet, d’après Salvador Dalí rétrospective 1920-1980, pour Dalí « la peinture, même réaliste, doit rester un art cognitif et non pas seulement décoratif, elle doit avoir une âme, la main du peintre devant être – cela constitue le secret n°50 - «guidée par un ange», afin de gagner l’immortalité ».