Né en 1931 à Istanbul dans une famille juive séfarade, Albert Bitran grandit dans le quartier de Pangaltı. Polyglotte, il parle français, turc, anglais et ladino, il étudie au collège jésuite Saint-Michel, où il obtient les baccalauréats français et turc. Très tôt attiré par la peinture, il copie à quinze ans Cézanne, Boudin ou Manet à partir de reproductions trouvées à l’Institut français ; ses premières œuvres séduisent déjà des collectionneurs de son entourage.
À 17 ans, Bitran rejoint Paris pour des études d’architecture, qu’il abandonne rapidement afin de se consacrer entièrement à la peinture. Installé à Montparnasse, il découvre l’effervescence artistique d’après-guerre et fréquente les cafés de La Coupole ou du Sélect.
Sa première exposition personnelle à la Galerie Arnaud en 1951, consacrée à ses travaux géométriques, marque son entrée remarquée dans l’avant-garde de Saint-Germain-des-Prés. Le collectionneur Henri-Pierre Roché devient alors son soutien essentiel, le loge boulevard Arago et lui achète des œuvres.
Ses séjours dans le Midi dès 1955 nourrissent une nouvelle orientation picturale. Il peint notamment Naissance d’un paysage (1956), collage emblématique de sa période lyrique, aujourd’hui associé au mouvement de l’Abstraction lyrique et présenté en 2006 à l’exposition L’Envolée lyrique au Musée du Luxembourg.
En 1958, il épouse Claude Ledoux, obtient la nationalité française et s’installe rue des Plantes, à Paris. Il ouvre aussi un atelier de céramique à Rigny-le-Ferron, dans l’Aube.
Durant les années 1960, Bitran développe les séries de L’Atelier et Intérieur-Extérieur, marquées par l’espace de travail, la lumière et la verticalité. Il se consacre aussi à la gravure et à la lithographie auprès de Mourlot, puis de Bellini et Leblanc.
Sa réputation s’étend rapidement en Europe du Nord : Börge Birch l’expose à Copenhague dès 1961. L’Allemagne, la Scandinavie et les Pays-Bas deviennent des lieux majeurs de diffusion de son œuvre.
Au début des années 1970, Bitran crée les Doubles, une interrogation picturale sur la perception, la duplication et l’espace. Ces œuvres retiennent l’attention de philosophes et écrivains tels que Jean-Louis Baudry, Jean Paris, Dora Vallier, Albert Memmi ou Claude Lefort.
En 1976 naît Sextuor, six tableaux conçus pour être exposés en cercle fermé. L’œuvre circule en Scandinavie, aux Pays-Bas, en Autriche et en France, et sera plus tard acquise par les Abattoirs de Toulouse.
Installé dans le Lot, Bitran expérimente de nouvelles techniques sur papier et carton. Il crée les Grandes Formes, présentées en 1987 à la galerie Louis Carré, et expose ensuite en Suisse, au Danemark, en Allemagne, au Japon et aux États-Unis. Parallèlement, il développe une œuvre sculptée, transposant ses formes picturales en volumes, petites maquettes en bois, sculptures polychromes ou pièces monumentales, dont une grande sculpture exposée à la Foire de Bâle.
Les Arcades, inspirées de son enfance stambouliote, deviennent un thème majeur : peintures et sculptures sont exposées à Aksanat (Istanbul, 1997), puis à Ankara, Toulouse et dans plusieurs institutions. Il participe également à de nombreuses expositions consacrées aux artistes turcs de Paris. À la fin des années 1990, il quitte le Lot pour la Normandie, puis installe un vaste atelier dans un ancien cinéma à Montrouge.
Au début des années 2000, Bitran explore la profondeur du noir, dans des œuvres à l’huile, à l’encre ou au fusain. Une importante exposition, Érosion des noirs, se tient en 2012 à Lyon.
Albert Bitran décède à Paris le 9 novembre 2018.