Mohammed Ghani Hikmat est né en 1929 dans le quartier de Kadhimiya à Bagdad. Très jeune, il manifeste un intérêt pour la sculpture, modelant l’argile trouvée dans son environnement. Il poursuit cette passion à l’Institut des Beaux-Arts de Bagdad, dont il sort diplômé en 1953, avant de parfaire sa formation à l’Académie des Beaux-Arts de Rome et à l’Institut de Zaka de Florence, où il se spécialise dans la fonte du bronze. Pendant son séjour en Italie, il devient le premier sculpteur musulman à réaliser une commande pour une église catholique, en sculptant les portes de l’église de Testa di Lepre.
De retour à Bagdad en 1961, Ghani retrouve un pays bouleversé par des changements politiques majeurs. Il entame une carrière d’enseignant à l’Institut des Beaux-Arts, à l’Académie des Beaux-Arts et au département d’architecture de l’Université de Bagdad. En parallèle, il s’impose comme figure centrale du paysage artistique irakien, s’investissant dans des groupes pionniers comme Al-Ruwad (Les Pionniers), le Groupe d’Art Moderne de Bagdad (fondé par ses mentors Jawad Saleem et Shakir Hassan Al-Said), et Al-Zawiya.
Son œuvre conjugue art moderne et tradition mésopotamienne, mêlant références à l’art islamique médiéval, à la sculpture assyrienne, aux motifs arabesques et à la calligraphie arabe. À travers cette synthèse, Ghani cherche à forger une identité visuelle nationale irakienne. Il collabore étroitement avec Jawad Saleem sur le Nasb al-Hurriyah (Monument de la Liberté), avant d’en achever la réalisation après la mort prématurée de Saleem en 1961.
Dès la fin des années 1960, Ghani est sollicité pour de nombreux monuments publics à Bagdad : Sinbad, Al-Mutanabbi, Abu Ja’far al-Mansur, Hammurabi, Gilgamesh, Shahrazad et Shahryar (1971), ou encore Kahramana (1971). Ces œuvres deviennent des repères emblématiques de la ville, marquées par des récits issus des Mille et Une Nuits, du patrimoine populaire ou de la mémoire nationale.
Dans les années 1980, il réalise plusieurs projets à l’international, notamment une porte pour l’UNICEF à Paris et une fresque en Jordanie. Sous le régime de Saddam Hussein, il participe à la finalisation de l’Arche de la Victoire, devenue un symbole du pouvoir en place.
En 2003, à la suite de l’invasion de l’Irak, Ghani quitte Bagdad pour Amman. À son retour, il découvre un patrimoine artistique saccagé : musées pillés, sculptures vandalisées, œuvres volées. Il fonde alors un comité pour la récupération des œuvres d’art irakiennes, financé en grande partie sur ses fonds personnels. Grâce à ses efforts, plus de 150 œuvres majeures sont retrouvées.
En 2010, il reçoit une commande officielle pour réaliser quatre nouveaux monuments destinés à orner la capitale : Ashaar Baghdad, Enkath El Iraq, Al Fanous El Sehri et Timthal Baghdad. Il meurt en 2011 à Amman avant de voir leur installation. Son fils Yaser en supervise l’achèvement.
Considéré comme le cheikh des sculpteurs, Mohammed Ghani Hikmat laisse derrière lui un héritage artistique profondément ancré dans l’âme de Bagdad. Ses sculptures en bronze, marbre ou bois, petites ou monumentales, témoignent d’un amour inébranlable pour sa culture et son peuple. Elles incarnent à la fois la mémoire, la résilience et l'identité visuelle de l’Irak moderne.