Ismail Al Cheikhli est l’un des pionniers de l’art moderne irakien, reconnu pour sa contribution majeure à la peinture contemporaine du monde arabe.
Né à Bagdad en 1924, il fait partie de la première promotion de l’Institut des Beaux-Arts de la ville en 1945, où il est formé par le célèbre artiste Faïq Hassan, qui deviendra son mentor. Il est également le premier diplômé de l’institut à bénéficier d’une bourse pour étudier à l’étranger, rejoignant l’École nationale supérieure des Beaux-Arts à Paris au début des années 1950.
De retour à Bagdad, Al Cheikhli rejoint le Groupe des Pionniers (ar-Ruwad), fondé par son ancien professeur Faïq Hassan, et en prend la direction en 1962. Le groupe s’intéresse particulièrement à la représentation de la vie rurale et de l’environnement naturel irakien. Très influencé par cette esthétique, Al Cheikhli se distingue dès ses débuts par ses scènes de villages et par ses portraits de femmes, devenues un motif central de son œuvre. Il y développe un style coloré, rythmé et expressif, où les formes ovales des visages et les tissus traditionnels s’intègrent dans une volonté de « localiser » ses sujets dans leur contexte irakien.
Son art évolue progressivement vers des compositions plus abstraites, marquées par un style impressionniste et une structure visuelle dynamique. Ses toiles des années 1980, notamment celles conservées à la Dalloul Art Foundation, présentent des foules de femmes en abaya, émergeant de paysages flous et vibrants.
Al Cheikhli explore ainsi la tension entre figuration et abstraction, en mettant l’accent sur la forme, la couleur et le mouvement.
Parallèlement à sa carrière artistique, il joue un rôle institutionnel important. Il est membre fondateur de la Société des Artistes Plasticiens Irakiens et de la Société des Artistes Irakiens, et occupe le poste de Directeur général des Arts plastiques en Irak sous le régime du Parti Baas. Bien qu’il s’investisse dans la promotion de la culture, il considère toujours la création comme sa véritable vocation. Il affirme dans une interview : « Je refuse de devenir un fonctionnaire. Je suis un artiste. »
Al Cheikhli expose abondamment, en Irak comme à l’étranger, participant à des expositions collectives à Paris, Londres, Delhi, Pékin, Moscou, et dans la majorité des capitales arabes. Il expose fréquemment aux côtés de son épouse, l’artiste Suzanne Al Cheikhli, également membre des Pionniers. Ses œuvres sont aujourd’hui présentes dans plusieurs collections prestigieuses, dont celles du Mathaf: Arab Museum of Modern Art à Doha et de la Jordan National Gallery of Fine Arts à Amman.
Ismail Al Cheikhli s’éteint en 2002 à Bagdad, laissant derrière lui une œuvre marquante, entre tradition rurale, modernité esthétique et engagement culturel.